La Drupa 2024 sous le signe de la fertilisation croisée
Une fois de plus, l'automatisation et la durabilité sont des thèmes importants
S'il est vrai que les visiteurs de la Drupa désireux d'investir dans le grand format ont eu suffisamment à se mettre sous la dent, cet événement à Düsseldorf est loin d'être un salon de la signalétique. C'est peut-être précisément pour cette raison qu'il s'est inscrit dans l'air du temps. Pour les spécialistes de la signalétique et du grand format, le salon a été une belle occasion de sortir de leur zone de confort.

À en juger par les rencontres avec la presse qui ont précédé le salon, l'événement semblait surtout destiné aux personnes intéressées par le secteur de l'emballage. Les industries du grand format et de l'offset côtoient de plus en plus le marché de l'emballage. Ceci dit, la Drupa n'est pas devenue un salon consacré à l'emballage, même s'il y avait beaucoup à voir dans ce domaine. Ainsi, on a pu y admirer davantage de presses flexo que lors des éditions précédentes mais l'emballage n'était jamais bien loin non plus chez les constructeurs de machines numériques.
À l'instar de l'industrie graphique, la Drupa se cherche. Le nombre de visiteurs a diminué, tandis que le nombre de commandes a augmenté. Les visiteurs présents ont pu s'orienter vers des marchés adjacents, car le modèle d'entreprise consistant à opter exclusivement pour l'offset est une option viable pour de moins en moins d'entreprises. Ajouter l'impression grand format aux activités est une opération intéressante. Par ailleurs, le développement des machines conventionnelles se poursuit - à un rythme encore plus soutenu même! - mais l'avenir est au numérique.
Partenaires

On a pu le voir dès le début du salon. Le fabricant de presses allemand Heidelberg a annoncé une collaboration avec Canon portant sur la commercialisation d'une presse jet d'encre sous le nom de Jetfire. À son stand, Heidelberg a présenté la Jetfire 50, basée sur la Canon iX3200. Heidelberg revient ainsi dans le segment du jet d'encre, après une première tentative malheureusement infructueuse avec sa propre Primefire.
Ce partenariat avec Canon a créé la surprise, car Heidelberg travaille depuis des années avec Ricoh dans le segment des toners. Ricoh, qui possède plusieurs machines à jet d'encre à haut volume, présentait à la Drupa sa nouvelle machine à feuille Z75 de format B2 et la presse jet d'encre rotative couleur VC80000. Ces machines auraient certainement eu leur place dans l'assortiment de Heidelberg.
Cet accord entre Heidelberg et Canon montre une fois de plus que certains acteurs unissent leurs forces afin de servir un marché plus large. Au salon Fespa, par exemple, Agfa a annoncé une collaboration avec EFI, lequel peut combler les lacunes de son portefeuille de produits avec ses propres versions des machines Agfa afin de servir chaque segment du grand format numérique. En amont du salon, Dust avait annoncé l'extension de sa collaboration avec Ricoh dans le domaine du jet d'encre.
Les fournisseurs et les clients doivent donc un peu chercher les acteurs du marché. À titre d'illustration: Agfa était absent à la Drupa tandis que Durst, HP, Canon et Fujifilm étaient présents, après avoir manqué la dernière édition de Fespa. Ricoh, quant à lui, était présent aux deux événements.
Croissance de la Chine

En tout cas, s'il y a bien un groupe qui manifeste un intérêt croissant pour la Drupa, c'est celui des exposants chinois. Pas moins de 40% des stands provenaient de Chine. Il y a quelques éditions, il arrivait que l'on méprise la qualité des machines chinoises, souvent considérées comme des copies bon marché de presses occidentales. Cette époque est révolue. Lors de l'édition 2024, les fabricants chinois ont présenté des machines d'une qualité très acceptable et - fait non négligeable! - il ne s'agissait pas d'annonces, mais de machines en fonctionnement, que l'on pouvait acheter sur place.
Il fut un temps, avant qu'Ipex ne tire sa révérence de manière peu glorieuse, où la Drupa était l'occasion de faire la fête dans la vieille ville de Düsseldorf afin d'y annoncer la prochaine édition du salon britannique. Ce rôle a été glorieusement repris par All In Print China (Shanghai, 12 - 16 octobre 2026). Les organisateurs ont organisé une fête au Sporthotel Borussia Düsseldorf. Personne ne sait ce que l'avenir nous réserve, ni si les Chinois seront confrontés à des restrictions à l'importation ou à des conflits commerciaux. Mais il est presque inévitable que la Chine joue un rôle croissant sur le marché européen dans les années à venir. On peut donc supposer que la part des exposants chinois sera encore plus importante lors de la prochaine édition de la Drupa, ce dont les organisateurs du salon se réjouissent. Alors que les entreprises européennes et américaines passent beaucoup de temps à souligner les limites du marché occidental, les Chinois y voient surtout des opportunités.
Combler les lacunes

Quel que soit le domaine d'intérêt du visiteur, il est impossible de passer à côté de l'automatisation. Heureusement, les exposants ont rarement joué la carte de l'IA (intelligence artificielle). Dans l'environnement industriel, l'IA est un terme abstrait qui peut être utilisé pour tout et n'importe quoi. En évitant ce terme, les exposants se sont obligés à être clairs à propos de leurs innovations. L'apprentissage automatique (deep learning) est un terme beaucoup plus approprié pour les solutions intelligentes présentées.
En 2024, l'automatisation sur et autour de la machine fait partie de la question de la robotisation. Sur le stand du spécialiste de la finition Horizon, parmi les VGA (véhicules à guidage automatique) qui circulaient dans tous les sens, on pouvait assister à une belle démonstration: des blocs de livres étaient prélevés par le bras robotisé d'une machine et introduits dans une autre. Et ce, alors que ces machines provenaient de fabricants différents et n'étaient raccordées en aucune manière. Certes, il ne s'agissait pas d'une application de grand format, mais cette démonstration a clairement montré que les robots permettent de créer un pont entre des machines qui, à différents endroits de la production, ne peuvent pas être connectées entre elles.
Zünd a présenté la configuration complète de la Q-Line, qui automatise entièrement la découpe et la finition de produits de grand format. Le système a donné un aperçu de l'environnement de production de ce spécialiste moderne du grand format. Dans cet environnement, les opérations manuelles - et donc les possibilités d'erreurs - sont exclues autant que possible. Cette évolution est motivée non seulement par la pénurie de personnel, mais aussi par la nécessité d'assurer des livraisons toujours plus rapides et plus flexibles. Les commandes sont de plus en plus souvent transmises par voie numérique, ce qui permet de lancer un processus entièrement intégré où tout est relié à tout. En principe, l'environnement de production moderne devrait se prêter à une production autonome dans les heures qui suivent le départ du personnel.

Production de carton ondulé
La table de découpe numérique Ultimate de Kongsberg a été présentée pour la première fois au salon international. Depuis son lancement, l'Ultimate a remporté un EDP Award dans la catégorie 'Best Wide Format Cutting Solution' et un Pinnacle Product Award à Printing United Alliance 2024. "Nous avons toujours pensé que l'Ultimate mettrait la barre plus haut et établirait de nouvelles normes dans la production de carton ondulé", déclare Stuart Fox, président-directeur général de Kongsberg PCS. "Avec un marché mondial qui oblige les transformateurs de carton ondulé à produire de manière plus rapide, plus sûre et plus efficace, la Kongsberg Ultimate représente un énorme bond en avant en matière de technologie", souligne Fox. La table de découpe atteint une accélération de 2,74 G et une vitesse de coupe de 168 mètres par minute. Cette machine de découpe est équipée de la solution de sécurité Kongsberg SmartZone. Celle-ci comprend deux scanners laser sur le pont. Il s'agit d'un système à deux zones: dans un premier temps, la machine ralentit si des personnes s'approchent de la zone de production, dans une seconde phase, elle s'arrête complètement.(KDC)
Tout le monde est client
Tout cela s'inscrit dans le cadre de plusieurs évolutions auxquelles sont confrontés les spécialistes du grand format. Tout d'abord, il y a la demande croissante de petits tirages de boîtes et d'emballages imprimés. Leur production ne peut être rentabilisée que si tous les processus sont en place. Les différentes commandes sont imprimées et découpées de manière interchangeable et doivent donc être automatiquement séparées et triées, collectées et préparées pour la distribution.
Deuxièmement, il y a la demande croissante de nouveaux clients via les label shops, les plateformes d'impression et autres boutiques en ligne. Quiconque conçoit une boîte, une bannière ou un autre produit peut le proposer en ligne. La création d'une boutique en ligne est un jeu d'enfant. La production proprement dite est réalisée sur place par des entreprises affiliées au système. Dans de telles structures, le nombre de commandes par client est généralement faible et temporaire. Mais le chiffre d'affaires cumulé peut être important, ce qui en fait un marché attractif.

C'est l'histoire bien connue de The Long Tail. Pour ceux qui l'auraient oubliée: The Long Tail fait référence à un graphique célèbre (et au titre du livre de Chris Anderson sur le sujet) qui montre que si un produit populaire se vend bien, tous les produits moins populaires s'additionnent pour atteindre un volume de ventes plus important. Ces produits moins populaires constituent la 'longue traîne' du graphique. Jusqu'à l'avènement d'internet, la traîne du graphique était inintéressante car il était difficile de vendre de grandes quantités de produits peu populaires. Avec l'avènement du commerce électronique, les petites séries sont devenues un business important.
Les spécialistes du grand format et les entreprises de signalétique font donc de plus en plus partie d'un réseau de fournisseurs différents qui passent leurs commandes par une plateforme numérique. Il devient donc de plus en plus important de travailler avec des applications dans le cloud. C'est là que la Drupa se distingue vraiment d'un salon de la signalétique comme Fespa, car le logiciel y est un sujet important.
Lorsque les commandes sont automatiquement transmises via une plateforme en ligne, le calcul devient de plus en plus important. Dataline, développeur MIS, était donc comme un poisson dans l'eau avec son stand à la Drupa. Dans le secteur de l'emballage, Dataline n'a pas encore percé avec Multipress, mais dans l'industrie graphique et de la signalétique, son logiciel MIS est désormais bien connu. Pour les entreprises hybrides, le système peut donc constituer une solution intéressante supplémentaire.
Un thème discret

La durabilité était l'un des principaux thèmes de la Drupa. C'est pourquoi les organisateurs du salon avaient mis en place un Touchpoint Sustainability dans le hall 14. Avec des réunions, des forums et des présentations qui ont permis de mettre ce sujet en lumière. Le thème était plutôt discret, mais il a tout de même donné l'occasion aux exposants de parler de leurs efforts en matière de durabilité. Les études qui y ont été présentées ont montré qu'une grande majorité de l'industrie considère le développement durable comme un sujet important.
Le thème de la durabilité est au moins aussi important pour les clients de l'industrie. Par exemple, les grandes entreprises de l'UE devront démontrer leur empreinte carbone dans les années à venir. Le salon proposait toutes sortes de logiciels permettant aux clients de calculer cette empreinte. La question est de savoir dans quelle mesure ces logiciels commerciaux apportent quelque chose. En effet, l'organisation faîtière européenne Intergraf propose également une méthode de calcul de l'empreinte carbone.
Les émissions de carbone peuvent être réduites de nombreuses manières. Les plateformes citées plus haut font en sorte que les commandes soient imprimées localement, ce qui permet d'économiser sur le transport. Les fournisseurs de solutions de coupe et de logiciels ont mis en évidence les possibilités d'économiser sur l'utilisation des matériaux. Par définition, réduire les déchets est un bon moyen de produire d'une manière plus respectueuse de l'environnement. Cela permet également de réaliser des économies.
Des fournisseurs ont principalement présenté leurs propres solutions à la question de la durabilité, apportant à Touchpoint Sustainability un angle commercial. La mise en œuvre de l'initiative a donc été critiquée. Dans une interview accordée à De Grafische Vakpers, Anton Brussen, du grossiste Igepa, a suggéré qu'à l'avenir, on discute également de la durabilité avec les propriétaires de marques. En effet, au final, c'est leur demande qui détermine l'offre des fournisseurs de matériaux. En théorie, les producteurs peuvent investir dans des solutions durables avec enthousiasme et animés par de bonnes intentions, mais alors, il ne faut pas que leurs clients optent soudain pour des produits moins chers de concurrents moins enthousiastes.
Pistes
La Drupa 2024 a été un aperçu de la situation en cours plutôt qu'un regard vers l'avenir. Il n'y a pas grand-chose à dire sur la forme que prendra le salon dans quatre ans, si ce n'est que la part d'exposants chinois aura très certainement encore augmenté. Néanmoins, les organisateurs disposent de quelques pistes pour la prochaine édition. Les différents segments du marché peuvent apprendre les uns des autres et l'événement de Düsseldorf peut servir de cadre à cet égard.
Les opportunités sont nombreuses pour les spécialistes du grand format et de la signalétique, mais elles s'accompagnent de défis. Les organisateurs du salon ne devraient plus utiliser (exclusivement) les thèmes clés pour offrir une tribune aux exposants qui souhaitent faire passer un message. Au contraire, le salon devrait laisser plus de place à un débat ouvert sur l'avenir du secteur. Un peu plus d'enthousiasme ne ferait pas de mal. Il pourrait donner au salon plus d'éclat et plus d'élan, et rendre l'événement plus grand que la somme du nombre de visiteurs et des affaires conclues.
